Une piste pour le futur : transformer les déchets en richesse

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biogaz afrique

Des ressources précieuses (énergie, terres, biodiversité, eau, minéraux, etc.) sont nécessaires à la production d’aliments, dont le gaspillage entraîne des pertes conséquentes en eau et en carbone. On estime que la production mondiale de déchets agricoles s’élève à environ 998 millions de tonnes par an. À elle seule, l’industrie nigériane de production d’huile de palme génère plus de 90 millions de tonnes d’effluents par an. Le pays produit également 4,34 millions de tonnes de paille de riz et 0,9 million de tonnes de balle de riz, et compte près de 19,5 millions de vaches qui produisent elles aussi des déchets.

Compte tenu de l’augmentation de la population mondiale, les projections indiquent que la quantité de déchets solides produits en Afrique subsaharienne triplera d’ici 2030. Cette augmentation pourrait représenter une menace écologique et sanitaire dans la mesure où les pays africains ne collectent environ que la moitié de leurs déchets urbains et seulement un quart de leurs déchets ruraux, ce qui signifie que les déchets restants s’accumulent dans la nature. Au Nigeria, tous les déchets agricoles sont en grande partie organiques (jusqu’à 80 %) et peuvent donc être réutilisés pour réduire le préjudice écologique et accroître la fertilité des sols et la productivité agricole du pays.

Sensibiliser les agriculteurs au potentiel que recèlent les déchets

La méconnaissance des possibilités offertes par les déchets agricoles biodégradables et l’existence souvent limitée, voire l’absence totale d’incitations gouvernementales dissuadent un grand nombre d’agriculteurs de gérer ces déchets. Dans la plupart des pays africains, les exploitants agricoles essaient de se débarrasser de leurs déchets en employant des méthodes nuisibles à l’environnement : ils les brûlent ou les laissent à l’abandon. Lorsqu’ils ne sont pas traités, ces déchets ont de nombreux effets néfastes : contamination des sols, des eaux de surface et des nappes phréatiques ; prolifération et rejet d’organismes pathogènes ; émission de gaz détruisant la couche d’ozone lors de la décomposition tels que le méthane et le protoxyde d’azote, qui représentent une menace directe pour l’environnement et la santé humaine.

Il est toutefois possible de recycler les déchets grâce à des approches scientifiques simples, tout en contribuant à la protection de l’environnement.

Technique de carbonisation. Les déchets animaux et végétaux peuvent être carbonisés par pyrolyse (à condition qu’il y ait peu ou pas d’oxygène). Le produit obtenu est appelé “biochar” ou “biocharbon”. Il est essentiel de connaître les caractéristiques de la biomasse utilisée pour le biochar afin de pouvoir procéder à l’amendement du sol. Par exemple, dans le cadre d’un projet dont je m’occupe dans le village de Bosso (État du Niger, Nigeria), mon équipe a montré comment le biochar à base de balle de riz pouvait être utilisé pour améliorer les rendements de sorgho. Les tests effectués sur le lieu de l’étude ont révélé que le sol était acide et pauvre en potassium, alors que ce dernier était présent en abondance dans le biochar alcalin des balles de riz. Nous avons appliqué 5 tonnes de biochar par hectare, ce qui nous a permis d’augmenter le rendement en sorgho d’environ 105 % comparé aux parcelles non traitées.

Traitement des eaux usées. L’utilisation de charbon actif coûteux ou de digesteurs sophistiqués pour traiter les eaux usées agricoles pourrait également être remplacée par la technique du biochar, dont l’application est simple. Dans le cadre d’une autre expérience menée avec mon équipe, nous avons traité avec succès les eaux usées d’un moulin à olives, un effluent complexe provenant d’un moulin à huile végétale, avec du biochar de bois de pin produit à partir de déchets de pin en Afrique du Sud. Le traitement a permis d’éliminer la composante toxique des polyphénols présents dans les eaux usées et de libérer des nutriments agricoles essentiels (azote et phosphore). Grâce à cette méthode, les eaux usées traitées peuvent être réutilisées pour l’irrigation et pour humidifier les composts agricoles à des fins de compostage.

Bioénergie. Les déchets agricoles peuvent également être utilisés pour produire du biocarburant. Sur la base du pouvoir calorifique estimé de la bouse de vache, 1 000 kg produiront environ 8 000 kJ d’énergie. Dans des conditions anaérobies, les mêmes 1 000 kg produiront environ 450 m3 de biogaz qui, s’ils sont utilisés comme combustible, fournissent 1 260 kWh d’énergie. S’agissant des déchets de riz, 4,34 millions de tonnes de paille de riz et 0,9 million de tonnes de balle de riz produisent annuellement environ 337,67 MW d’électricité à un taux de conversion de 1,7 kg de balle ou paille par kWh d’électricité. La réutilisation ingénieuse des déchets pour produire des biocarburants permet de réduire les émissions de gaz à effet de serre et le réchauffement de la planète, d’accroître le nombre d’emplois et les revenus dans le secteur rural, et de faciliter la circulation au sein de la chaîne d’approvisionnement alimentaire.

Appeler les dirigeants africains à agir

Sur le plan économique, non seulement le continent africain perd de l’énergie et des nutriments organiques s’il ne gère pas ses déchets, mais il risque également d’accélérer la dégradation de l’environnement. Compte tenu des répercussions directes et flagrantes qu’ont ces déchets sur la santé humaine, l’agriculture, l’environnement et l’économie des pays d’Afrique, les dirigeants africains doivent investir de toute urgence dans la gestion des déchets agricoles. Ils devraient donc se détourner de l’hydroélectricité et du pétrole et exploiter pleinement le potentiel offert par l’énergie et le recyclage des déchets afin d’améliorer leur système alimentaire.     

Obiageli Umeugochukwu, Chargée de cours à l’Université fédérale de technologie de Minna, État du Niger, Nigeria.

Obiageli Umeugochukwu est chargée de cours et consultante en pédologie dans le domaine de la science environnementale des sols (gestion des déchets, assainissement des sols, chimie des sols et fertilité). Elle a participé à plusieurs projets de développement et est une ancienne membre de l’International Foundation for Science.

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